Le "Vivre ensemble"

Savoir penser l'autre...

Depuis quelques années, nous constatons l’explosion de communautés rassemblant des personnes autour d’une même préoccupation ; celle-ci peut être lié à un problème de santé (association d’usagers) et/ou à une identité (courant LGBT+), et/ou à un partage de vécu (mouvement #MeToo et consorts). Multiplications de communautés, de sous-communautés, de sous-sous-communautés… où se rassemblent des personnes pensant avoir un vécu similaire, en tout cas une même préoccupation, souvent celle de faire respecter leurs droits.

 

Mais le fait d’adhérer, parfois si fortement, à un groupe est-il salutaire pour soi-même ? Cette recherche communautaire ne nie-t-elle pas l’intériorité nécessaire pour tout un chacun ?

 

Certes, il y a des périodes où c’est important de se retrouver « entre pairs », dans des groupes où il est vrai qu’une certaine solidarité peut exister. De plus, l’accès aux droits est parfois une étape essentielle dans certains parcours. Mais, à force de vouloir coller à l’identité d’une communauté, n’y a-t-il pas le risque de s’y perdre, d’y perdre son intimité, et de perdre aussi l’ouverture à la différence de l’autre ?

 

L’intimité est pourtant nécessaire à l’être humain, elle produit une distance entre soi et autrui, une différenciation indispensable à l’estime de soi et au respect de l’autre. Elle contribue aussi à la délimitation d’un espace psychique interne et favorise l’autonomie.

 

Or, dans un groupe communautaire, la personne peut devenir étrangère à elle-même, s’oublier, se noyer dans le collectif. Alors que l’objectif initial recherché était souvent le sentiment d’appartenance au groupe, afin de ne plus être un exclu, un rejeté, un « paria », pour partager aussi un vécu qu’on imagine commun, cette sur-adaptation peut entraîner un oubli de soi-même, de son identité, de ce qui fait chacun sa singularité. Et peut paradoxalement diviser au lieu de rassembler. Car le rapport à l’autre ne fait plus advenir l’altérité, celle qui nous distingue et nous rend à nous-mêmes, celle qui nous permet aussi de communiquer et d’accepter la différence. C’est dans l’œil de l’autre que je me reconnais à la fois semblable et différent…

 

Ainsi, on peut se poser la question de se demander si cette existence de communautés permet vraiment de mieux vivre ensemble. Car à part partager un même vécu, une même « jouissance » en miroir, où parfois la parole n’y sert qu’à s’admirer réciproquement, où les désaccords individuels, même argumentés, sont parfois refoulés très violemment, il n’est pas certain que ce fonctionnement communautaire permette un lien social riche basée sur une réelle altérité, à savoir le respect aussi de la différence et de la complémentarité.

 

Ainsi personnellement, je préfère faire comme Groucho Marx : « I refuse to join any club that would have me as a member », car mon individualisme me permet, paradoxalement, de cultiver ouverture et curiosité, sans (trop) de préjugés, et de m’intéresser à tous.tes.

« Rester autre. Toujours préférer l’altérité, jusqu’au bout,

au risque de devenir des étrangers, plutôt que vouloir ne faire qu’un. »

(Riika Pulkkinen)

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