Rétablissement

 

Le rétablissement (ou « recovery ») est basé sur la croyance que, quelle que soit la gravité d’une maladie psychique, un rétablissement, dans le sens d’une amélioration de son état, est toujours possible. 

Historique

 

Le concept de rétablissement est né au sein du mouvement des usagers de la psychiatrie aux États-Unis, dont certains se faisaient appeler « les survivants de la psychiatrie », en référence à la maltraitance, l’inefficacité et la toxicité du système de soins qui prétendait les soigner.

 

Des personnes ayant expérimenté la maladie mentale sévère, souvent la schizophrénie, ont témoigné à la première personne de leur parcours de lutte contre la maladie, mais aussi et surtout contre la stigmatisation, l’exclusion et la violence sous toutes ses formes.

 

Ce processus singulier, unique, pour retrouver un sens à sa vie, une place dans la société, les usagers l’ont appelé « recovery » (terme anglais pour « rétablissement »).

 

Le processus de rétablissement est un phénomène individuel singulier, parfois chaotique, fait de rechutes. L’épidémiologie décrit deux moments différents : environ 30 % des personnes se rétablissent dans les 5 premières années, et 30 autres % se rétablissent également plus ou moins totalement, après 25 ans de maladie. 30 à 40 % continuent à être malades, voire voient leur état s’aggraver.

 

Depuis les années 90, quelques chercheurs tentent d'appliquer ces différentes découvertes afin de repenser le système de soins psychiatriques, par ailleurs vivement critiqué par les associations d’usagers et de parents d’usagers.

 

Les soins orientés autour du rétablissement, proche de la réhabilitation psychosociale, s’en distinguent par l’importance donnée au savoir non institué, issu de l’expérience des personnes.

 

L’utilisation qui est faite des compétences des personnes comme base de travail amène les équipes à engager des professionnels ayant l’expérience de la maladie et en rétablissement. Un nouveau métier a ainsi émergé : les pairs aidants dit aussi médiateurs de santé mentale. 

 

Les principes du rétablissement

 

Même si sa notion est complexe et les définitions variées, le rétablissement est fondé en premier sur l’espoir, celui qui consiste en croire en une amélioration significative de son état, voire en une guérison.

 

Cet espoir est mobilisateur, et engendre une attitude positive dans la vie quotidienne, où chaque jour est envisagé positivement et avec défi, comme une étape vers le mieux-être.

 

Pour autant, on sait que la maladie psychique est souvent faite de hauts et de bas ; mais en s’appuyant sur l’espoir, cette croyance qu’on peut aller mieux en gérant notamment de mieux en mieux sa pathologie au quotidien, les bas ne seront pas démobilisateurs, car considérés comme des étapes, destinés à mieux nous en apprendre aussi sur les signaux d’alerte, et donc à mieux les anticiper.

 

Le rétablissement implique un processus de reprise de contrôle sur sa vie, la maladie en faisant partie. En simple, on peut apprendre à vivre avec un trouble psychique, même sévère, et même si les risques de rechute sont toujours présents.

 

Il s’oppose donc à l’idée véhiculée qu’on est malade à vie, et qu’on ne guérira jamais. Idée pourtant fréquemment véhiculée par les soignants, dans le cas de certains troubles psychiatriques, comme ceux qui touchent à la psychose.

 

D'ailleurs, très souvent, le point de vue de l’usager n’est souvent pas le même que celui des professionnels soignants qui l’accompagnent. Et quand certains de ces derniers infantilisent, sans même s’en rendre compte, la personne, c’est aussi à elle de tenir bon dans l’image qu’elle se fait de son processus de rétablissement. Pour cela, elle peut se faire aider aussi par des pairs, des personnes qui ont vécu elles-mêmes la maladie de l’intérieur.

 

Car le rétablissement est aussi un phénomène collectif. Il implique que les personnes puissent trouver un entourage favorisant : des amis, une famille, un/des rôles sociaux gratifiants/utiles dans des groupes/collectifs. Parce que les personnes vivant avec un trouble psychique vivent très souvent une double peine, celle de la maladie (ses symptômes) et ses conséquences sociales (violence, stigmatisation, exclusion, isolement), le processus de rétablissement est bien plus que la maîtrise des symptômes, c’est aussi et d’abord retrouver une estime de soi, des rôles valorisant et un bien-être.

 

Un exemple de dispositif de rétablissement – le modèle de marée

 

Le modèle de marée (« tidal model ») est une approche du rétablissement développé par le Professeur Phil Barker et ses collègues (Royaume Uni).

 

Ce dispositif insiste sur l’importance des expériences personnelles vécues par les personnes, y compris lors des phases de rechutes et de périodes de crise qui peuvent être considérées elles aussi, lorsqu’elles sont analysées, comme porteuses d’expérience constructrice.

 

Le modèle de marée pousse à l’autonomisation des usagers en santé mentale, en utilisant des techniques créatives comme l’art de l’autoportrait et/ou le récit personnel.

 

Il met l’accent sur des qualités comme la débrouillardise.

 

Il insiste sur l’importance de faire entendre la voix de chacun.

 

Il considère que c’est en connaissant mieux l’histoire de la personne qu’on peut identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans le processus de rétablissement.

 

Par ailleurs, ce dispositif demande aux soignants un certain positionnement. Ils doivent accepter l’idée que l’histoire personnelle de chaque personne est primordiale, et respecter le choix de chacun de la raconter comme il le souhaite. Ils doivent aussi avoir l’humilité de se positionner comme « apprentis », dans le sens où ils ont à apprendre du patient qu’ils accompagnent, qui sont considérés comme experts de leur histoire personnelle. Ils doivent se montrer curieux et intéressés par l’histoire de chaque patient. Ils doivent aussi privilégier la transparence dans la communication.

 

Dans le modèle de marée, l’eau est utilisée comme métaphore. Ainsi, lorsque les personnes vont mal, elles peuvent, de par leurs mouvements émotionnels, physiques et mentaux, faire naufrage. L’expérience de la maladie, comme de la santé, peut être représentée ainsi comme un fluide, plus que comme un phénomène stable. Et la vie imaginée comme un voyage entrepris sur un océan d’expériences.

 

Ainsi, comme sur l’océan (où les tempêtes alternent avec des embellies et des périodes de calme plat), la vie implique des changements qui sont inévitables.

 

Les autres idées développées par le modèle de marée sont que le changement étant constant et irrémédiable (comme ce qui se passe sur l’océan), il faut accepter cet état de fait pour aller mieux – il faut aussi savoir laisser du temps au temps – et accepter aussi que l’usager en santé mentale sait mieux que quiconque ce qui est bien pour lui, et qu’il a par ailleurs toutes les ressources nécessaires en lui pour aller mieux.

 

En 2000, le modèle de marée a été mis en place à Newcastle sur Tyne (Royaume Uni), et ensuite dans d’autres pays (Irlande, Nouvelle Zélande, Canada, Australie, Japon).

 

 

Mais puisque les définitions du rétablissement sont variées, imaginons subjectivement ce que terme pourrait recouvrir au quotidien.

 

L’idée du rétablissement, cela pourrait être de…

 

Montrer aux autres qu’on peut vivre (et non plus survivre) à un trouble psychique, en s’appuyant notamment sur la logique d’autonomisation, ce qui est une façon de bousculer les préjugés, et de montrer que le rétablissement, ce n’est pas qu’une affaire d’amélioration des symptômes par un traitement médicamenteux.

 

Accepter que certains symptômes soient toujours présents, mais mieux gérés car mieux acceptés, comme un élément parmi d’autres du fonctionnement forcément singulier de chacun.

 

S’accepter soi-même, avec tout ce que cela implique, ce qui peut permettre une mise à distance salutaire probablement propice au rétablissement. Cf. la devise du médecin Paracelse (« Alterius non sit qui suus esse potest » qu’on peut traduire par « Ne sois pas un autre si tu peux être toi-même »)

 

S’accepter soi-même implique aussi de mieux gérer les a priori négatifs sur la maladie mentale, ce qui ne signifie pas de se résigner à accepter ces critiques, mais de se dire que ça ne nous concerne pas, et que ces préjugés en disent parfois bien plus sur leurs auteurs que sur les personnes visées (en terme de peur et d’angoisse défensive notamment).

 

Accepter la solidarité entre pairs ; ce sont souvent ceux qui vivent ou ont vécu de l’intérieur des symptômes similaires, qui sont les plus à même d’accompagner l’usager en santé mentale dans le processus de rétablissement. Cela part aussi de l’idée que les professionnels soignants ne font pas tout, et que ce sont aux usagers de se prendre en charge eux-mêmes, entre pairs, pour aller mieux.

 

Accepter de laisser du temps au temps dans le processus de rétablissement, c’est-à-dire apprendre à avancer, petit pas par petit pas, en acceptant aussi les hauts et les bas, les périodes de rechute possibles (et souvent fréquentes), sans se laisser décourager par ces dernières - Apprendre à se concentrer sur les petites améliorations du quotidien, qui ne sont petites que par rapport à l’idée qu’on se fait d’un détail, mais qui sont en soi des « détails » essentiels dans le processus de rétablissement.

 

Apprendre à se focaliser sur ce qui va mieux, plutôt qu’à se décourager sur ce qui va mal ou moins bien.

 

Expérimenter, en acceptant aussi que la vie est faite d’imprévus, de mouvements (cf. également le modèle de la marée).

 

Se faire confiance, et faire confiance à ses propres ressources, à ses qualités de débrouillardise, d’inventivité, de résistance.

 

Apprendre à devenir philosophe, à prendre du recul sur sa pathologie, à prendre du recul aussi sur ses périodes « down » (qui peuvent nous apprendre des choses), à considérer aussi sa maladie comme un élément constitutif parmi d’autres de sa personnalité. A revendiquer donc sa singularité. Ce qui n’empêche pas d’être aussi citoyen parmi les autres.

 

Accepter de vivre sa vie, qui ne ressemble à aucune autre, et de vivre son potentiel, qui ne peut se comparer à aucun autre…

 

Accepter ce qu’on est, ce qu’on a été, ce qu’on deviendra.

 

En synthèse

 

Vivre au mieux avec un trouble psychique, c’est essayer de vivre aussi comme tout le monde, avec les moments heureux et moins heureux de la vie, les facilités et les difficultés que tout un chacun peut vivre. En ne cherchant plus à poser systématiquement un lien de cause à effet avec le trouble psychique quand on est face à telle ou telle difficulté de la vie.

 

C’est donc sortir aussi du piège souvent enfermant que peut entraîner le diagnostic.

 

Vivre au mieux, dans cette logique de rétablissement, c’est aussi gérer au mieux les conséquences sociales parfois négatives liées à la représentation que se font la majorité des personnes de la maladie mentale.

 

Au final, on peut considérer que le rétablissement est une attitude qui tend à nous rentre plus autonomes et à nous (re)donner du pouvoir sur nous-mêmes.